Se révéler pour se lever ?
Mon grand-père est décédé à 50 ans. Je suis dans l’année de mes 50 ans. Et lui que je n’ai pas connu, m’accompagne beaucoup ces derniers mois.
Que fait-on de nos héritages familiaux ?
Mon grand-père était, de ce que mon père et la légende familiale racontent : « un idéaliste ». C’était une personne qui était infirmier avant de s’engager en politique en Haute-Volta (aujourd’hui le Burkina-Faso). Mon grand-père a été emprisonné injustement pour avoir été engagé politiquement.
Cela fait partie d’une de mes histoires. Celle-ci m’a soutendue car empêchée pendant longtemps d’exprimer haut et fort mes convictions, ma révolte aussi.
Parler dans certains endroits sur terre, encore aujourd’hui, tue. Je n’ai jamais été menacée mais je me suis longtemps cachée et tue. Et je vous assure que quand l’on mesure 1, 84m ce n’est pas simple d’être invisible. Alors, j’ai usé de l’arme de destruction massive d’’estime de soi qui est le consensualisme : ne surtout pas faire de vague.
Depuis un certain temps, je suis appelée par l’urgence d’agir. Mais comment ? A quel endroit ?
A mon niveau en tant que femme racisée, je suis révoltée qu’en 2021 encore les petites filles noires en France choisissent la poupée noire quand on leur demande laquelle est méchante, ou la poupée blanche quand on leur demande laquelle est la plus jolie. Au visionnage de cette expérience (1) , mon cœur a saigné. Le même résultat que lors de la même expérience faite dans l’Amérique ségrégationniste des années 40 il y a près de 80 années ! Pire que la discrimination active, il y a la discrimination qui ne dit pas son nom, portée par les préjugés.
Pendant très longtemps j’ai refusé de faire attention au racisme et à la discrimination à mon encontre ; avec la croyance aidante qui était : « si tu n’y crois pas tu ne le vis pas ». Cela a véritablement fonctionné pour moi. Je ne l’ai jamais vue. Je n’ai jamais été victime directe de discrimination !
Je parle de discrimination au sens large car je suis étiquetée « femme », « racisée », « de grande taille »…
Mais, si l’on parle d’étiquettes, je peux en rajouter d’autres : « chef d’entreprise », « diplômée », « Bac +5 ». Certaines de ces étiquettes annihilent parfois les autres.
C’est l’histoire de beaucoup d’artistes racisés connus, qui choisissent d’en rire, et disent que le succès/ l’argent n’a pas de couleur – Tout à coup tu deviens « autre », les portes s’ouvrent !
Il m’est arrivé, en prospection commerciale, de laisser penser que je n’étais qu’une salariée de ma boite. Cela me semblait plus simple de ne pas contredire mon interlocuteur. J’avais totalement intériorisé le discours dominant : une personne racisée ne peut pas être chef d’entreprise !
En faisant cela, je ne me rendais pas compte que, petit à petit, j’auto grignotais mon estime de moi, mon affirmation de moi. Je me suis disloquée toute seule en différentes identités selon le contexte.
J’ai été percutée quand j’ai compris et vu que les structures ou les personnes qui me faisaient travailler étaient la plupart du temps du milieu sanitaire et social, en lien direct ou indirect avec l’Afrique, les africains ou les personnes racisées, ou des personnes/ structures sensibles au sujet de la discrimination.
Les autres ont toujours été polis, mais cela a rarement donné quelque chose. Le syndrome « je ne suis pas raciste ou je n’ai pas de préjugé, j’ai une belle sœur noire » existe dans le monde des affaires, « je ne suis pas raciste, je n’ai pas de préjugé j’ai fait travailler Carine qui est noire ».
Bien entendu, cela ne se dit pas avec des mots. C’est bien là le drame ! Car ce qui ne se dit pas n’existe pas…. Et malheureusement ne peut pas être conscientisé, ni dépassé !
Nul besoin d’être raciste pour être discriminant ! Ces mécanismes sont inconscients. Qui pourrait dire que les petites filles de l’expérimentation évoquée plus haut sont racistes ? Et pourtant, stéréotypes et préjugés sont à l’œuvre…même du côté des personnes racisées, c’est terrible !
Alors, chacun et chacune ! Prenez juste le temps de vous interroger en conscience quand vous faites le choix d’un prestataire ! Pourquoi pas cette personne ?
C’est la seule façon de faire face aux préjugés.
Je suis une personne racisée, je suis une femme, je suis parent adoptant, je suis une coach, je suis une animatrice de yoga du rire, je suis une facilitatrice d’atelier d’intelligence collective, je suis une multipotentielle, passionnément.
Je m’appelle Carine Yaméogo Fontaimpe et je permets aux personnes multipotentielles de se révéler au monde.
Je travaille sur la réconciliation des SOI, car une autre histoire est possible.